Du haut de ses 611 mètres, le Mont Thou est, avec son voisin le Mont Verdun, un incontournable du cyclisme lyonnais. Pour Pure, je suis parti avec un ami cycliste, à la conquête de son sommet, à l’occasion de la journée mondiale de la bicyclette.
Le Mont Thou, un sommet imposant en région lyonnaise
Nous sommes dimanche matin. Les cloches de l’église de Curis-au-Mont-d’Or, plus petite commune de la métropole au nord de Lyon, sonnent 10 coups. Mon ami Erwan Lardet et moi-même nous sommes donnés rendez-vous devant chez moi pour une balade à vélo, au lendemain de la journée mondiale de la bicyclette organisée par les Nations Unies. Equipé de sa tenue complète de cycliste et d’un vélo de route de bonne qualité, lui a plutôt l’habitude de ce genre de sorties. A contrario, mon VTT et moi ne sommes plus sorti ensemble depuis presque un an ! Mais tant pis, j’ai promis à Erwan que nous irions tous deux gravir le Mont Thou ce matin, alors nous irons.
Le Mont Thou, c’est un peu un mythe du vélo dans les monts d’Or. Voyez-vous l’énorme boule au sommet d’une colline visible à des dizaines de kilomètres à la ronde dans le nord-lyonnais ? Et bien c’est lui, le Mont Thou. La boule en question, c’est juste un radar aérien militaire. Avec ses 611 mètres d’altitude, le Mont Thou est tout simplement le deuxième plus haut sommet des monts d’Or, juste derrière le mont Verdun (626 mètres). Et comment ne pas parler des nombreuses cabornes – des cabanes de bergers en pierres dorées sèches typiques de la région – que vous aurez l’occasion de croiser sur votre chemin ? Au départ de Poleymieux-au-Mont d’Or, il faut compter un peu plus de 4 kilomètres de balade pour atteindre le sommet. Si cette distance peut vous paraître courte, considérez cependant qu’elle ne se parcourt qu’avec un dénivelé moyen de 7.6% : l’équivalent de l’Alpe d’Huez (mais en 3 fois plus court, heureusement) !
Une ascension périlleuse mais abordable
Notre ascension débute donc par la traversée du village de Poleymieux-au-Mont-d’Or. Malgré le charme du lieu qui est systématiquement cité dans les classements des plus beaux villages de la région, je suis directement à la peine : il faut dire que les pourcentages sont sévères pour un novice comme moi. À peine arrivés en haut du village, je me trouve ainsi dans la nécessité de, déjà, demander une pause. Outre l’épuisement et la sensation de brûlure dans les jambes, mon petit déjeuner devient surtout un fardeau lourd à porter ; s’empare donc de moi l’envie de le renier. Il faut dire que j’ai commis l’erreur, avant de partir, d’avaler un grand bol de lait alors que les laitages, par souci de digestion, sont justement déconseillés avant une sortie à vélo. Il aurait fallu privilégier du pain et de la confiture, du thé, ou bien des gâteaux de sport (qu’il est aussi possible d’emporter avec soi pour la balade). Mais je n’ai pas prévu de renoncer : ayant déjà fait l’ascension plusieurs fois l’an passé, je sais que j’en suis capable. Seulement, je suis surpris que ma condition physique se soit dégradée si rapidement, preuve qu’il est important de ne pas négliger une activité physique régulière. Après avoir repris mes esprits, nous repartons donc à la conquête du Mont Thou.
Notre ascension se poursuit en dehors des paysages citadins, nous sommes désormais dans le cœur même du Mont Thou. Cette seconde partie plus naturelle me semble bien moins douloureuse. Il ne s’agit pourtant que d’un ressenti : en effet, les pourcentages sont encore plus grands qu’en début d’ascension avec des passages à 14% ! Mais le rythme dont je me suis imprégné me permet de ne pas lâcher : il suffit donc de s’armer de patience et de ne surtout pas renoncer mentalement, comme me l’explique Erwan.
Enfin, la dernière partie, bien que très courte, est probablement la plus difficile. Pour rejoindre le radar militaire, il faut encore fournir un effort intense. En effet, en plus de la fatigue physique emmagasinée depuis le début de l’ascension, ces derniers 800 mètres s’avèrent particulièrement pentus. Tandis que nous montons, nous croisons, à plusieurs reprises, dans le sens inverse, des cyclistes arrivés plus tôt qui dévalent la pente à une vitesse prodigieuse sur cette portion à 8% de moyenne.
Une vue panoramique à couper le souffle
Arrivés en haut, et malgré la souffrance, on se dit tout de même que l’effort en valait la peine. Le sommet nous offre en effet une vue panoramique de Lyon, au sein de laquelle les gratte-ciels se détachent de la brume. Au loin, à une cinquantaine de kilomètres à l’est, on aperçoit les imposantes cheminées de la centrale nucléaire du Bugey. Dans la même direction, multipliez la distance par 3 et regardez au loin : si le temps est dégagé, vous aurez la chance d’apercevoir le Mont Blanc, le toit de l’Europe. Le paysage est beau, et l’espace aménagé, on serait tentés par un pique-nique au sommet, mais nous n’avons malheureusement rien prévu d’autre que de l’eau. Après avoir profité de la vue, j’ai décidé d’interviewer Erwan, habitué du Mont Thou et ancien licencié du club Lyon Sprint évolution, sur la pratique du vélo et ses attentes :
Interview d’Erwan Lardet, cycliste habitué à l’ascension du Mont Tho
Pourquoi une attirance pour la pratique du cyclisme ?
Erwan Lardet : Avant tout pour la performance et le dépassement de soi, et le fait d’en faire avec d’autres gens, la convivialité. C’est à la fois un sport individuel et un sport collectif.
Savais-tu qu’hier (le 3 juin), nous célébrions la journée mondiale du vélo ?
Et bien non ! Je ne savais pas !
Après lui avoir expliqué qu’il s’agissait d’une journée organisée par les Nations Unies pour promouvoir la bicyclette comme mode de déplacement durable, il poursuit :
« Le vélo, c’est pas d’émissions de carbone ! »
Selon toi, quels sont les bienfaits du vélo d’un point de vue physique et mental ?
Déjà, c’est un excellent moyen de rester fit, ça c’est sûr (rires) ! Au-delà de ça, ça apporte un cardio de fou-furieux, un mental aussi… C’est honnêtement l’un des sports les plus physiques que je connaisse. Tu dois sans cesse repousser la douleur malgré un effort qui est dans la durée. Il faut donc faire abstraction de cette douleur, et continuer à se donner encore plus pour maintenir un rythme. Finalement, le plus gros bienfait, c’est l’amélioration de la capacité à se surpasser.
Actuellement, nous nous trouvons dans les Monts d’Or, au nord de Lyon. Quels sont tes itinéraires préférés dans la région ?
Ah… Le Mont Thou… Combien de fois je l’ai fait ? Des dizaines de fois ! C’est mon itinéraire préféré. Après, il y a le Mont Verdun, le Mont Cindre… Moi j’aime bien quand ça grimpe de toutes façons.
Quels conseils donnerais-tu à un novice comme moi qui aimerait se mettre régulièrement au vélo ?
Ne pas se décourager au début, même si c’est dur. Au départ, la majorité des gens n’ont pas un cardio hyper développé. C’est rapidement très physique, on s’épuise vite. On peut donc se décourager facilement en se comparant au niveau des autres, mais c’est comme tout, avec de l’entrainement, on progresse très vite. Rapidement, tu vas te rendre compte que tu n’es pas si mauvais en cardio ; c’est juste que tu ne repousses pas assez loin la douleur, et que c’est avant tout mental. Je conseillerais d’abord de bien se renseigner sur les équipements : c’est important d’être à l’aise avec son vélo et très à l’aise avec ses équipements si tu veux prendre du plaisir, car c’est le but. Si tu ne prends pas de plaisir, c’est nul. Ne pas s’attarder que sur la performance non plus, même si c’est bien : il y a aussi les paysages, les rencontres… Et, très important, trouver des potes avec qui sortir, car c’est beaucoup mieux que seul : déjà, tu vas beaucoup plus loin, tu t’épuises moins, et c’est plus sympa. Enfin, si tu fais du vélo de route un peu sérieusement, alors forcément, à un moment, tu vas tomber. Au début tu tombes, parce que t’es mauvais, tout simplement. Mais il ne faut pas prendre peur et abandonner, car même si tu prends des grosses boîtes au début, au bout d’un moment, tu t’habitues, et après, tu ne tombes plus.
Pour faire un lien avec la journée du vélo, est-ce que tu penses que le cyclisme contribue à la sensibilisation de la préservation de l’environnement et de la biodiversité ?
De toutes façons, je pense que le vélo, c’est l’avenir. On arrive dans une impasse en termes de transport, et le vélo est le mode de transport avec le meilleur « rapport effort/ressources ». Comparé à d’autres moyens de transport, le rapport entre besoins et efficacité est extrêmement positif. Quand tu passes cette barrière là, de dire « ah ouais, c’est chiant le vélo » et que t’es capable de faire 20 kilomètres… Personnellement, je prends souvent mon vélo pour faire des trajets que je pourrais faire en voiture, et je ne perds pas beaucoup de temps en réalité. Finalement, t’es plus libre : t’as pas les bouchons, t’as pas besoin d’essence, et du coup, c’est moins cher ! C’est pas cher du tout même : une fois que tu l’as, il suffit d’entretenir ton vélo ! C’est une énergie mécanique, l’essence c’est de la bouffe, tu dois bouffer quoi, mais comme tout le monde. Donc oui, nécessairement, le vélo, c’est l’avenir je pense…
Et donc, quelles sont tes attentes envers les autorités locales en termes de développement des infrastructures cyclables ?
Les grandes villes, elles font à la fois de plus en plus d’infrastructures pour développer des pistes cyclables de partout, etc. Ils font en sorte de rendre la vie impossible pour les voitures et mieux pour les cyclistes. Dans un certain sens, c’est bien, mais dans un autre, le problème, c’est que c’est bien pour les cyclistes du dimanche. Mais pour les cyclistes qui vont un petit peu plus vite, c’est pas du tout adapté. Et en l’absence d’infrastructures, les routes en elles-mêmes ne sont vraiment pas faites pour accueillir des voitures et des vélos en même temps. Les routes ne sont pas assez larges. En tant que cyclistes, honnêtement, sur la route, on se sent souvent en danger. À de très nombreuses reprises, je suis pas passé loin de l’accrochage avec des voitures, et pas par ma faute. C’est quelque chose qui peut être un frein… Au niveau des infrastructures, je ne sais pas ce qu’on peut faire pour résoudre ça, mais, au-delà des infrastructures, il y a la loi. Par exemple, en Espagne, ils sont plus stricts que nous là-dessus : l’écart minimum d’un véhicule pour dépasser un cycliste doit être minimum de 1.5 m, y compris dans les villes (contre 1 m en France) !
Pour toi qui habites à Lyon, t’arrive-t-il de te déplacer en vélo pour tes trajets urbains ?
Oui, j’utilise beaucoup le Vélo’v.
Et donc, au sein de Lyon, quels sont les défis auxquels tu es confronté à vélo ?
Déjà trouver un Vélo’v en bon état (rires) ! Deuxièmement, espérer que la borne ne soit pas pleine au moment de le reposer. Mais à part ça, il n’y a rien à dire, les Vélo’v, c’est bien foutu. Sinon, la circulation.
Comment trouver un équilibre entre ses engagements personnels/professionnels et la pratique du vélo ?
Comme maintenant, il faut juste être motivé le weekend pour se lever le matin et aller faire du vélo. Mais c’est un plaisir pour moi de faire du vélo. D’ailleurs, c’est un autre bienfait : ça te sort du carcan de ta vie, t’es un peu comme dans une bulle presque intemporelle…
Y a-t-il un évènement ou une personne en particulier qui t’a inspiré à faire du cyclisme ?
Je regardais un peu tous les ans le Tour de France depuis que je suis petit, parce que mes grands-parents le regardaient, et j’ai toujours bien aimé. Et en 2019, j’ai eu Eurosport, et je me suis mis à regarder beaucoup de courses en dehors du Tour de France, notamment les courses pavées comme le Paris-Roubaix. J’avais envie d’imiter ces guerriers et d’aller affronter la douleur, les éléments de la nature, etc. Je me suis donc mis à faire du vélo avec mon petit VTT, je faisais des sprints dans ma rue… Et en septembre 2019, après le Tour de France – peut-être l’un des plus grands de l’histoire – je suis allé dans un club de vélo, et c’est là que ça a commencé. C’est vraiment le côté compétition qui m’a attiré.
En tant que cycliste, quels sont tes objectifs futurs ?
Déjà, faire du vélo plus régulièrement que ça, et faire des plus longues sorties. À terme, j’aimerais reprendre une licence et essayer de refaire des courses.
Et des cols en particulier que tu aimerais bien faire ?
Ah oui ! Il faut absolument que je fasse le Mont Ventoux. Je pense que je vais le faire cet été. Et puis l’Alpe d’Huez, le Granon, Hautacam dans les Pyrénées, le Galibier dans les Alpes, le Tourmalet… Il faut que je les fasse !
Aurais-tu une anecdote amusante ou surprenante liée à tes aventures à vélo ?
La première fois que j’ai essayé des pédales automatiques – on les essayait en groupe avec ceux qui démarraient dans le club – à l’occasion de ma première sortie, on est sortis du parc, et on arrive à un feu rouge. Et là, tous en même temps, on se rend compte qu’on n’arrive pas à déclipser : donc on est tous tombés sur le côté ! Les gens dans les voitures derrières nous se sont bien moqués de nous, c’était très amusant ! Pour éviter ça, il suffit de s’entrainer à clipser/déclipser à l’arrêt.
La fin de l’aventure.
À la suite de cette interview, nous nous élançons ensuite dans la redescente. Cette dernière s’avère bien plus facile que la montée, et ne se fait qu’en une dizaine de minutes. Attention toutefois à ne pas partir à la faute : on atteint très vite des vitesses équivalentes à celles des voitures, veillez donc à vérifier vos freins avant de partir. À une telle allure, partir à la faute ne vous laissera pas indemne. Selon l’itinéraire que vous choisirez, vous aurez peut-être l’opportunité de passer à côté du Titan, la mythique boîte de nuit qui a traversé les générations. Et tandis que vous continuerez à filer dans le vent pour rejoindre la vallée de la Saône, les jambes probablement vidées (mais qu’importe, vous n’avez plus à monter !), vous repenserez à la prouesse que vous venez d’accomplir : gravir le Mont Thou à vélo. Mais ne vous en faites pas : si l’envie vous prend de remonter en selle le lendemain, il vous reste encore 7 autres sommets à gravir avant d’avoir fait le tour des Monts d’Or ! Et pourquoi ne pas tous les faire en une fois ?
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